Les banques centrales et les autorités de surveillance financière doivent agir sur les risques liés à la nature, selon un nouveau rapport du WWF

14 juillet 2021

Un nouveau rapport souligne l'urgence pour les banques centrales et les autorités de surveillance financière d'agir face au risque de pertes naturelles sans précédent.

La perte de biodiversité n'étant pas seulement un facteur aggravant des risques liés au climat, mais une crise mondiale à part entière, le rapport avertit que les pratiques actuelles consistant à n'intégrer que les risques et impacts liés au climat dans les mandats existants des banques centrales et des autorités de surveillance financière, et à ne pas inclure les risques liés à la perte de la nature, ne permettent pas d'assurer un système financier durable.

Le rapport du WWF Nature's next stewards : Why central bankers need to take action on biodiversity risk - avec des contributions de I4CE, NatureFinance (anciennement Finance for Biodiversity (F4B)), ECOFACT, CEP et IUCN - est publié aujourd'hui dans le cadre de l'initiative Greening Financial Regulation du WWF qui soutient les banques centrales, les régulateurs financiers et les superviseurs dans l'amélioration de la stabilité et de la résilience du secteur financier face aux risques liés au climat et aux risques environnementaux et sociaux plus larges, tout en permettant la mobilisation de capitaux pour la transition vers une économie à faible émission de carbone, résiliente et durable.

"Les banques centrales et les autorités de surveillance financière ont un rôle essentiel à jouer dans la transition vers un système financier plus durable et plus résilient qui profite aux populations, au climat et à la nature" - Olivier Vardakoulias & Ivo Mugglin, WWF.

"Les banques centrales et les autorités de surveillance financière ont acquis une grande expertise pour commencer à s'attaquer aux risques liés au climat. Elles doivent maintenant tirer parti de cette capacité pour renforcer leur engagement et inclure dans leur processus décisionnel d'autres dimensions environnementales interdépendantes" - Chiara Colesanti, membre du Council of Economic Policies.

"Comme le changement climatique, la perte de biodiversité entraîne des risques financiers importants pour les acteurs financiers. En outre, elle peut créer un risque systémique découlant d'une perturbation économique et sociale majeure liée à l'émergence de zoonoses" - Michel Cardona et Romain Hubert, I4CE.

Aujourd'hui, le monde est confronté à une crise mondiale de la nature qui menace notre climat, notre alimentation, nos moyens de subsistance et notre santé. La pandémie actuelle de COVID-19, qui trouve son origine dans le changement d'affectation des terres, la déforestation et le commerce d'espèces sauvages, est la dernière preuve en date que l'activité humaine non durable pousse au bord du gouffre les systèmes naturels de la planète qui soutiennent la vie sur Terre.

Alimentée par l'agriculture, la déforestation est l'une des principales causes du changement climatique et de la perte de biodiversité. Elle porte atteinte au capital naturel des pays producteurs et a un impact sur les économies et la stabilité financière. Plus de la moitié de la perte totale de forêts entre 2001 et 2015 a été causée par l'agriculture commerciale, ce qui se traduit par des risques financiers pour les institutions financières qui y sont directement ou indirectement exposées par le financement de produits à risque forestier.

De même, la pression exercée sur les ressources en eau peut avoir de graves conséquences pour les économies et les entreprises qui en dépendent. En Inde, par exemple, près de 40 % de l'exposition brute au crédit des banques indiennes concerne des secteurs où les risques liés à l'eau sont importants.

Le nouveau rapport souligne également que la dégradation de l'environnement et la perte de biodiversité ne sont pas seulement importantes pour la finance, mais que la finance est également importante pour la capacité de l'environnement à se régénérer de manière durable. Cela signifie que les banques centrales et les autorités de surveillance financière ne doivent pas se contenter de gérer de manière adéquate les risques financiers liés à la perte de biodiversité. Elles doivent également évaluer et mesurer l'impact de leur propre bilan et inciter les institutions financières à faire de même afin d'assurer une transition ordonnée et sûre vers une économie plus durable.

Outre les arguments financiers en faveur de l'action, le rapport met en évidence les fondements juridiques permettant aux banques centrales et aux autorités de surveillance financière d'assumer la responsabilité qui leur est conférée par les traités et les normes internationaux, ainsi que par les cadres réglementaires nationaux. Il s'agit notamment des normes internationales en matière de contrôle bancaire ou de contrôle des assurances, qui exigent des mesures préventives et une intervention précoce avant l'apparition de nouveaux risques. Le rapport souligne également le devoir des banques centrales et des autorités de surveillance financière de s'aligner sur les objectifs environnementaux plus larges des gouvernements.

"Tout comme la biodiversité est essentielle à la stabilité de l'économie mondiale, elle est essentielle à la stabilité du système financier mondial. Les preuves des risques encourus par les entreprises individuelles s'accumulent, mais ces risques interagissent également de manière systémique et explosive. Les politiques et le marché évoluent vers la divulgation des impacts par le biais d'initiatives telles que les obligations de diligence raisonnable proposées par l'UE et la Taskforce for Nature-related Financial Disclosures (TNFD). Les régulateurs financiers ont le devoir, au nom du secteur privé, d'examiner les risques à long terme et de s'assurer qu'ils sont prêts à y répondre " - Charlie Dixon, gestionnaire de portefeuille, Finance for Biodiversity.

"Malgré l'absence de références explicites à la biodiversité dans les réglementations financières, la boîte à outils réglementaire existante permet déjà aux régulateurs financiers d'aborder les risques financiers réels et potentiels liés à la biodiversité. En outre, il existe une dynamique réglementaire croissante visant à placer les considérations liées à la biodiversité au cœur des processus clés soumis aux attentes réglementaires, tels que les cadres de gouvernance et de gestion des risques" - Gabriel Ziero et Dilan Eberle, Ecofact.

Sur la base des conclusions du rapport, le WWF recommande aux banques centrales et aux autorités de surveillance financière :

  • La charge de la preuve devrait être inversée. Les banquiers centraux doivent partir du principe que la dégradation de l'environnement, y compris la perte de biodiversité, pose des risques macroéconomiques et financiers dans leurs juridictions, sauf preuve du contraire.
  • Des mesures préventives devraient être prises pour atténuer les risques prévus liés à la perte de biodiversité ainsi que les risques liés au changement climatique. Le cadre réglementaire actuel fournit les outils nécessaires à cet effet, à travers la supervision microprudentielle, la supervision macroprudentielle et la politique monétaire. Les banquiers centraux devraient également prendre en compte les risques environnementaux dans leurs propres portefeuilles et promouvoir la recherche nécessaire.
  • Les banques centrales et les autorités de surveillance financière devraient agir de manière cohérente avec les objectifs environnementaux définis au niveau national et international. Elles doivent plaider en faveur d'une réglementation financière internationale commune qui tienne compte des dimensions environnementales.

"Le climat et la nature sont les deux faces d'une même pièce. Les banques centrales et les autorités de surveillance financière ont aujourd'hui une occasion unique d'utiliser les mécanismes conçus pour faire face aux risques et aux impacts liés au changement climatique afin de lutter également contre l'appauvrissement de la biodiversité. Ce n'est qu'en les abordant ensemble qu'ils pourront garantir un système financier durable. Un système qui résiste aux changements planétaires et socio-économiques qui se profilent à l'horizon" - Maud Abdelli, responsable de l'initiative "Greening Financial Regulation" (écologisation de la réglementation financière) du WWF.

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